samedi 13 octobre 2018

Pyramide de maslow

Je m'attendais à te voir franchir les étapes les unes après les autres, comme c'est décrit dans les livres sur la normalité adoptive de Johanne Lemieux:
3 jours de choc, 3 semaines d' adaptation, 3 mois d'apprivoisement, 3 saisons d'attachement.
A chaque saison, une fois passé le choc, sa strate de pyramide.  Donc normalement, à la date où j'écris cet article, nous sommes dans la saison de l'apprivoisement, celle de recherche de la sécurité.
En fait,  tu passes allégrement d'un étage à l'autre de la pyramide avec des petits retours en arrières certains jours.

Il n'y a pas eu de choc, les 3 semaines d'adaptation ont du durer 5 jours, tu as tout de suite compris que nous étions dorénavant tes donneurs de soins exclusifs:
La nourriture , tu ne l’as jamais acceptée de quelqu’un d’autre. À chaque visite à l'orphelinat, tu refuses depuis le début la nourriture ou les sucreries que les didis veulent te donner, sauf si je t'ai donné l'autorisation de les prendre ou que cette nourriture passe par mes mains. J’arrive à chaque fois avec le goûter pour tout le monde, que nous confions à la Didi pour qu’elle le distribue, et l’ironie c’est que tu es la seule à ne pas vouloir en manger!
Même lorsque ta grand mère , Nanie-mutti, était là, tu ne t’es jamais tournée vers elle pour qu’elle te donne à manger.
Mais tu continues à avoir des journées où tu vas réclamer de la nourriture plusieurs fois par jour, allant te servir dans les réserves qui sont continuellement à ta disposition afin de te rassurer sur ce besoin physiologique.
Tu es extrêmement exigeante sur le choix de ce que tu vas manger. En gros, si je t’écoutais ça ferait 2 mois que tu ne mangerais que du riz et du Dalh. Tu es même parfois un peu pénible: le plat que tu adorais hier, le chole par exemple, tu ne veux plus en manger aujourd’hui. Pour quelle raison?  je n’en sais rien!
Jusqu’ici je bataillais toujours un peu pour que tu acceptes de manger autre chose, là j’ai décidé de voir ce qui se passait si je te proposais d’autres plats en plus du traditionnel riz dalh, sans te le mettre dans l’assiette.
Ton sommeil n'a jamais été un problème, tu as juste du mal à t’endormir et il faut compter environ une heure une fois couchée pour que tu t’endormes: impossible de te laisser t’endormir seule, je dois lire, chanter des berceuses, te gratter les cheveux pour que tu arrives à trouver le sommeil.

Quand Nanie est partie, tu m'as répété à plusieurs reprises: "d'abord Papa parti, ab Nanie partir, après maman partir, et Dourga toute seule".
Plusieurs fois je t'ai donc répété que non, maman ne laisserait jamais Dourga toute seule, que Papa allait revenir pour nous ramener en France, parce que tu es notre petite fille pour la vie. Il le fallait pour contrebalancer ce sentiment d'insécurité que te procuraient les départs de papa et nanie.
Tu demandes encore souvent quand Papa va revenir, pourtant tu connais la réponse: elle dépend de la date à laquelle le jugement d'adoption sera prononcé. Mais il te faut vérifier que cette réponse est toujours la même.
Le retard pris pour le jugement d'adoption te laisse un sentiment d'insécurité , c'est certain. Mais tu as compris et répète souvent la séquence: "bad me jugement, papa ke sath,  passeport, visa et maison france me. "
Tu a donc accepté de remercier sans problème le manager de l’hôtel quand tu as compris l'aide qu'il nous apportait pour obtenir la signature du jugement par cette juge peu scrupuleuse. 
Sinon, tu ne t'es jamais mise en grand danger pour voir si je t'arrêtais; tu refuses de nager dans le grand bassin toute seule et pourtant tu es capable de le traverser plusieurs fois de suite. La seule "folie" dont je me rappelle et qui revient régulièrement:  tu veux faire du vélo pied nus , ce que je refuse pour que tu ne te blesses pas. Et à chaque fois, tu insistes plus longuement pour voir si je ne vais pas craquer , lâcher le vélo et te laisser enfin rouler pieds nus.

C'est à peu prêt à partir du départ de Nanie que tu as clairement cherché le contact au moment de te coucher, avec des demandes claires pour que je te gratouille les cheveux sans chercher à trouver une raison. Avant c'était moins franc, tu prétextais une douleur pour que je te touche ou tu voulais jouer au " sac à patates" portée sur l’épaule ou au cheval sur mon dos.
Depuis quelques jours,  tu fais aussi semblant d'être un bébé qui pleure pour que je te prenne dans mes bras et te berce.
 C'est aussi à partir de ce moment là que tu as voulu appeler toi même ton père et tes grands parents, tes cousins, nos amis et que tu as posé des questions et voulu comprendre précisément les liens qui nous unissaient avec toutes ces personnes. Tu sens que tu fais partie d'une famille et tu cherches à le vérifier.

Le besoin d'estime est très fort chez toi: j'ai vite compris que sur le plan physique, pour te voir accomplir quelque chose, il fallait te lancer un défi que tu serais capable de relever. En natation , ce fut frappant: tu refusais de nous regarder quand on voulait te donner un conseil, mais il suffisait que j'annonce que j'avais traversé le bassin en faisant 8 mouvements de brasse sans toucher les pieds pour que tu cherches à en faire plus! Maintenant c'est toi qui me lance des défis que tu es très contente de me voir réussir " Ha c'eeeest ça!" me dis tu en souriant quand tu trouves que je nage moi aussi comme une sirène.
 Par contre, tu ne supportes pas de ne pas réussir quelque chose du premier coup et c'est un vrai frein à ta progression parfois, car tu te buttes et te met alors à bouder. J'ai beau tout faire pour transformer les exercices de math de Montessori en jeu, la notion de chiffre, de quantité et d'addition simple  reste pour toi un obstacle bien difficile à franchir pour l'instant. Pourtant, tu comptes jusqu'à 30 sans problème, mais tu te heurtes à la symbolique des chiffres au delà de 5. Il faut que nous arrivions à trouver ensemble la petite porte bien cachée qui t'amènera enfin à comprendre ce mystère.

Qu’on se rassure, tu n’es quand même pas parfaite tout le temps: Il y a des jours aussi où tu cherches volontairement à dépasser les limites pour voir quelle sera ma réaction. Tu m’arraches en criant l'ipad des mains parce que je te l'ai retiré pour te mettre un film en français à la place de l'hindi, tu refuses de manger le poulet que tu m'as fait commander au restaurant, tu veux jouer aux raquettes puis au bout de 10 secondes dehors, veut aller jouer aux cartes à l'intérieur.
Ce qui me rassure , car un enfant trop parfait n'est pas bon signe non plus: en fait, tu ne le sais pas, mais je jubile de plaisir à te voir faire des caprices!


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