mercredi 14 novembre 2018

Comment se dire adieu ?

Pas facile de répondre à cette question quand on a ton âge.

Quand tu as compris l’iminence de notre départ définitif de Mathura, ton comportement s’est modifié: tu t’es refermée, tu as multiplié les contacts « rugueux « avec nous, tu es devenue moqueuse vis à vis de nous, bref tu n’étais pas bien. L’avant veille de notre dernière visite, tu as refusé mes câlins au moment du coucher ; pourtant nous avions passé une excellente fin d’après midi au shishu sadan à faire péter les derniers pétards de Diwali.
Je t’ai demandé ce qui n’allait pas, tu n’as d’abord pas voulu me répondre même quand j’ai formulé la phrase à ta place. « Non va t’en , toute seule « m’as tu répondu. Je n’ai bien sûr pas obtempéré, ce comportement était si éloigné de celui de la petite fille qui me réclamait un câlin tous les soirs depuis 2 mois.
«  tu es triste de quitter tes amies et les didis? » et tu t’es mise à pleurer. Le mur d’enceinte de tes émotions était fendu, nous allions enfin pouvoir t’aider à passer ce cap.
D’abord en te promettant que dès que nous aurions quitté Mathura tu pourrais téléphoner aussi souvent que tu le souhaitais à Sheema Mami et Radda,pour prendre des nouvelles de chacun- promesse que tu as voulu vérifier dès le lendemain matin à ton réveil.
Puis en te rappelant que probablement tes amies allaient elle aussi quitter une à une l’orphelinat, soit par adoption soit par transfert au centre pour adolescentes pour les plus âgées. Tu avais déjà vu tellement d’enfants partir avant toi que tu as compris ,je pense , que tu avais le droit de ne pas te sentir coupable de les laisser là.
En te rappelant aussi que nous reviendrions en Inde avec toi dès que tu en aurais envie.
Enfin en te proposant d’alller acheter le lendemain des churi, ou bandle, ces anneaux très colorés que portent les femmes et les fillettes en Inde, pour chacun des enfants en plus des saris que tu avais déjà choisis pour les didis.
Le dimanche à été plutôt agréable , tu étais rassurée. Et nous n’avons pas trop eu le temps de te laisser te morfondre le lundi puisqu’il a fallu courir un peu partout pour acheter tout ce qui était nécessaire pour notre « goûter de départ ». J’avais pensé acheter des glaces mais Sheem mami n’a pas voulu car c’est la saison froide ( 28°C quand maême au soleil!). Nous avions  imaginé un gâteau à la crème en remplacement mais j’ai préféré m’abstenir finalement car je craignais que le petit rdv officiel prévu à 13h qui devait durer 15 min pour officiellement signifier le départ de l’enfant  ne s’éternise. J’ai bien fait il a eu lieu de 15h à 16H15.... après deux heures d’attente de notre taxi en plein soleil.
Rien ne s’est déroulé comme je l’avais imaginé: nous pensions offrir les saris simplement, finalement ça a été fait dans le cadre très officiel et sans émotion du bureau de l’intendant,  qui a d’ailleurs initialement refusé que nous donnnions un sari à 2 des didis pour une raison inconnue. Bien entendu ces 2 didis nous ont « réclamé » leur sari et c’est avec l’aide de Sheema Mami que nous avons pu les récupérer dans le placard où ils avaient été enfermés à clef.
Le goûter a été distribué de façon habituelle, j’avais imaginé disposer tout ça dehors sur une table. Et les litres de jus achetés pour l’occasion n’ont pas non plus été distribués, il faisait trop froid d’après Sheema Mami, ils allaient tous chopper un rhume si ils buvaient autre chose que du thé chaud ( ...) Je comprends mieux maintenant pourquoi tu ne veux plus boire de boisson chaude et ton intérêt pour les jus de fruits!
Mais il y a eu des moments supers, la distribution des churis avec tous les enfants avec des poignets de toutes les couleurs, même les 3 grands garçons en ont voulu. Le vélo que Pinky s’est approprié rapidement, et sur lequel elle est assise sur toutes nos photos!
Les photos qu’il a fallu prendre avec ta petite Riddi vétue de la jolie robe que tu avais voulu lui offrir: pour prendre cette photo, tu as voulu toi aussi revêtir ta jolie robe. Les selfies que j’ai du prendre avec chacune de tes amies en les embrassant. Les photos avec tes didis émues de te voir partir: tu étais avec Pinky l’enfant qui étais restée le plus longtemps au shishu sadan.
Il y a eu des larmes aussi: celle de Priya, inconsolable de te voir pour la dernière fois. Celles de Radda Mami, l’autre didi qui t’avait accompagnée depuis ton plus jeune âge.   Les miennes au moment de franchir les portes de l’orphelinat et les tiennes, libérées dans la voiture qui nous éloignait du shishu sadan et évaporées au vent de la fenêtre par laquelle tu regardais une dernière fois ce chemin que nous ne referons pas avant longtemps.

Et puis arrivée à l’hôtel tu es redevenue l’enfant joyeuse que tu es, tu as recommencé à gambader dans les couloirs avec joie, et tu nous a préparé un festin avec ta dînette.














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