mercredi 26 juin 2019

Mourir lentement

Je ne veux plus d'une mort rapide dans mon sommeil.


Je veux avoir le temps de te dire que je t'aime, de te le faire comprendre. Je veux avoir le temps d'organiser l'après.
Je sais que c'est une drôle de phrase que celle ci dans un blog sur ton adoption, mais que veux tu, il faut bien dire ce que l’on a sur le cœur. Et depuis quelques mois j’ai eu souvent l’occasion de penser à ça .
 J’ai d’abord  visionné un documentaire sur les enfants placés de la République. Je n'en avais pas dormi de la nuit, c'est bien la première fois que l'idée de mourir m'angoisse! ( et là je repense à Caro qui racontait sa peur de mourir, qui l'a obligée à faire une thérapie et me souvient qu'elle avait dit que c'était arrivé avec la naissance de ses enfants: vive la maternité!).
Et si tu te retrouvais à nouveau orpheline, que t'arriverait t'il? Tout, sauf ça! ce qu'on a vu dans ce reportage ce soir là: ces foyers et ces famille d'accueil où sévissent la maltraitance et l'absence , et cet avenir qui s'interrompt brusquement à 18 ans.
Il y a eu tes larmes intarissables lors de l’incendie de Notre dame lorsque j’ai eu la mauvaise idée de te dire qu’elle ne serait peut-être pas reconstruite avant ma mort, pensant te faire comprendre que ça prendrait beaucoup de temps.
 Et puis il y a eu le livre écrit par Nathalie Longevial,  Semer des graminées. C'est un superbe livre d'amour, l'amour d'une fille pour son père. Une fille qui apprend que son papa a un cancer et décide d'écrire tout ce qu'elle n'arrive pas à ( lui) dire.

Alors voilà j'ai décidé d'écrire ici ce que je veux que tu saches.

Je veux que ton papa, si il est encore là, trouve le courage de continuer et avec l'aide de nos proches, t'élève et te fasse grandir dans l'amour. Qu'il te fasse des câlins et des bisous pour nous deux. L'amour ne suffit pas mais il est primordial.  Qu'il te rappelle combien je t'aime, qu'il te fasse lire ces textes, que tu saches comme je me sens heureuse et fière de t'avoir pour fille. Je veux qu'il n'oublie pas de t'accompagner si tu en as envie en Inde pour garder ta culture d'origine et chercher tes origines si tu en as besoin. Je te l'ai promis avant de quitter l'Inde. Et il est le garant de cette promesse.

Je veux que ta nanie,ta dadie et ton dada,  tes oncles, nos amis sachent que rien ne m'effraie plus que l'idée de te voir confiée à l'aide sociale à l'enfance si nous devions disparaitre tous les deux. Aucun enfant ne mérite l'isolement sensoriel dont parlait Boris Cyrulnick dans cette émission mais toi encore moins: je sais que tu as besoin d'amour, de câlins, de sentir que nous sommes fiers de toi, parce que dès que l'on te donne de l'amour, même si tu n'as rien demandé, tu le prends à pleine dent. Tu ne le demandes d'ailleurs jamais directement mais t'arrange toujours pour avoir ta dose. Tous les soirs sans exception depuis 10 mois. Comme pour rattraper toutes ces années sans câlins et sans bisous, sans grattouilles dans le dos ou dans les cheveux. Je ne veux pas que tu te construises sur un double vide: celui de tes origines et celui de l'affection que nous t'avons promis..tu ne dois pas connaitre à nouveau de soirées sans câlins, ou alors c'est toi qui auras décidé d'y mettre fin.
 Il faudra surtout veiller à te dire que nous t'aim(i)ons.
Je veux qu'on oublie pas de te dire que si je/nous sommes morts, ce n'est pas de ta faute, pas plus que tu n'es responsable de la raison qui a poussé tes parents biologiques à devoir se séparer de toi.Parce que c'est sur ces doutes que se construisent les fondations instables. Ils n'avaient surement pas d'autre solution pour accepter de te confier à d'autres, petit trésor.
Il faudra aussi te dire que notre vie est devenue plus colorée qu'un tableau de Vasarely depuis que tu es là, que le son de tes éclats de rire est la plus belle musique qui soit, que l'odeur de ta peau est plus douce que celle du chocolat, que notre belle maison serait si triste sans ton joyeux bordel , que la piscine n'aurait pas la même fraicheur si on n'y trouvait pas une si jolie sirène. Bref notre vie a radicalement changé et nous sommes si heureux de t'avoir rencontrée, toi Dourga, avec ton caractère bien trempé et cette gentillesse qui te caractérise. Nous avons une chance phénoménale de t'avoir pour fille et de pouvoir t'aimer.

 N'en doute jamais, c'est nous qui avons eu de la chance en te rencontrant.




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